Mali : faut-il se réjouir du coup de force?

Article : Mali : faut-il se réjouir du coup de force?
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20 août 2020

Mali : faut-il se réjouir du coup de force?

D’emblée, je me réjouis du fait qu’il n’y ait pas eu d’effusion de sang, à ce que je sache, lors de l’éjection du Chef de l’État malien par les militaires. Toutefois, je dois avouer que ce à quoi nous avons assisté pour la énième fois n’honore pas le Mali, ni l’Afrique dans son ensemble, encore moins les Africains eux-mêmes.

La démocratie a foutu le camp au Mali le 18 août 2020. Certes les dirigeants africains sont ce qu’ils sont, mais cela ne devrait pas conduire « nos hommes en treillis » à faire usage de la force pour s’accaparer du pouvoir, sous prétexte que « rien ne va plus » dans le pays. Cela s’appelle recule démocratique d’au moins 10 ans!

Ne dit-on pas que la troupe est à l’image du chef? Ces hommes qui sont à la tête de nos États africains ne sont jamais parachutés depuis le ciel. C’est nous-mêmes, le peuple, qui magnifions ces hommes politiques, qui les rendons rois en allant les voter. Quand nous estimons que nos dirigeants politiques ne sont pas à la hauteur, pourquoi ne retournons-nous pas dans les urnes pour les sanctionner?

Le mal dont nous souffrons le plus en Afrique, ce n’est pas le manque d’éducation ni de culture politique : c’est le fanatisme.

À la vérité, je ne porterai pas de gants pour le dire, les Africains [y compris moi-même] sont eux-mêmes à la base de leur problème. Nous n’avons pas encore compris sur quoi nous devons nous baser pour élire des humains comme nous à la tête de nos États. Le mal dont nous souffrons le plus en Afrique, ce n’est pas le manque d’éducation ni de culture politique : c’est le fanatisme. Quand nous aimons quelqu’un, quelle que soit sa moralité, quel que soit son parcours, nous sommes prêts à tout pour que ce dernier nous dirige. Après, pourquoi sommes-nous surpris que l’homme ne fasse pas notre affaire?

Allons-nous continuer à recourir aux militaires ou à des méthodes insurrectionnelles pour « dégager » celui que nous avons contribué à élire dans les urnes? Peut-être qu’il faut que nous retournions à l’école pour apprendre à choisir « nos dieux », que dis-je, nos dirigeants. Ces hommes forts qui sont à la tête de nos États doivent se rendre à l’évidence qu’aucune Armée ni une puissance n’est acquise à la cause du Chef d’État, fût-il Africain. Si c’était le cas, le président Ibrahim Boubacar Keita (75 ans) serait encore au pouvoir, sous la protection de milliers de soldats français basés au Mali.

Aucune armée n’est acquise à la cause du chef

Pour ma part, j’estime que rien ne devrait se régler par la violence. Quand on n’est pas d’accord, on devrait utiliser des moyens légaux pour se faire entendre. C’est pourquoi nous devons faire en sorte que nous ayons des Institutions fortes dans nos pays africains. Si nous avons des Institutions fortes, des sociétés civiles crédibles, nos présidents seront faibles. Ils n’auront jamais le dernier mot.  

Je suis impatient de voir le jour où des populations descendront dans les rues pour dire « non » à des putschistes qui tenteront d’évincer un Chef d’État élu. Tant que nous allons continuer à acclamer des coups d’État, des rébellions, nous ne connaîtrons jamais la « démocratie ». Ce sera toujours la « mangecratie » ou la « kleptocratie ».

L’histoire nous a démontré ces dernières années que les coups d’État, les insurrections n’ont jamais résolu nos problèmes. Bien au contraire, ce sont des crises à n’en point finir. Je crains que ce que le Mali vient de connaître débouche sur quelque chose d’insaisissable.

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