Du Canada à la Mecque, le retour des pèlerins
Considéré comme le plus grand rassemblement au monde, les portes du Hajj 2017 se sont refermées le 4 septembre. Plus de deux (02) millions de personnes ont été enregistrées cette année, quelques 3 000 canadiens ont pu effectuer ce voyage en terre sainte (Arabie Saoudite). Parmi eux, il faut compter plusieurs membres de la communauté musulmane montréalaise, québécoise ou canadienne. À l’occasion de leur retour, j’ai été convié à une cérémonie à Repentigny (30mn de Montréal) dans Lanaudière (région de Québec/Canada).
Il est 14 heures 10 minutes ce samedi 23 septembre à Ville de Repentigny. Sur la rue de l’Harricana, un domicile attire du regard par le nombre impressionnant de véhicule stationné. Fait inhabituel, oui; mais rien de grave. En effet, c’est la famille de Boubacar Doukouré qui, – lui-même revenu de la Mecque – reçoit un beau monde chez elle pour non seulement célébrer son « retour en bonne santé parmi les siens » mais surtout parler du « caractère sacramental du Hajj ». Dans la cour arrière, le décor est tout planté. Sous un hangar aménagé pour la circonstance, les invités arrivant au fur et à mesure s’y installe. L’ambiance est bon enfant. Dans la cuisine, la joie se lit sur les visages. Des femmes concoctent des mets et des friandises devant servir pendant et après les exposés qui seront faites.
« Tout action ne vaut que par l’intention »

Et c’est l’Imam Moussa Abdoulkarim qui donne le ton aux environ de 15 heures. Dans exposé liminaire, le conférencier islamique parle d’abord de l’acte d’adoration qui nécessite, avant tout, une ‘’intention’’ formulée. « Tout acte d’adoration nécessite une intention. Tout action ne vaut que par l’intention », soutien Oustaz Adoulkarim tout en évoquant l’obligation pour tout musulman d’accomplir le 5è pilier de l’Islam : le Hajj. « Le pèlerinage est une obligation notoire en Islam. Il est recommandé de s’empresser pour le faire au moins une seule fois. Si on n’a pas d’excuse, de contrainte rien ne devrait retarder le Hajj pour tout musulman », fait valoir l’Imam d’origine Tchadienne.
Toutefois, il rappelle que le pèlerinage a des conditionnalités, comme tout acte d’adoration en Islam. Au nombre de ceux-ci, selon Oustaz Abdoulkarim, « il faut être musulman, être adulte, être libre, avoir l’esprit saint ». Avoir l’esprit saint, « sous-entend qu’un fou n’est pas obligé de faire le Hadj parce qu’il n’est pas conscient de ses actes » indique-t-il. Non sans mentionner qu’il faut également « avoir les moyens physiques et financier », faute de quoi le Hajj serait impossible pour tout musulman.
Parlant de finance, Kassoum Samaké (Ivoirien) a fait savoir à la communauté qu’elle n’a pas à « avoir peur » de payer 10 000 ou 12 000 $ pour se rendre à la Mecque. Ayant obtenu son doctorat en théologie en Arabie Saoudite et pour y avoir vécu dans le pays durant plusieurs années, Dr Samaké a annoncé avoir mis en place la structure ’’Yatrib Voyage’’ pour faciliter le Hadj à ses « frères et sœurs » de la communauté musulmane vivant au Canada.
« Mettre le Hadj en priorité comme nos dépenses quotidiennes »

« Nous avons besoin de planification pour avoir les moyens qu’il faut pour pouvoir accomplir le Hadj. De fois, lorsqu’on regarde la somme de 10 000 $ ou 12 000 $ on se dit incapable d’avoir cet argent pour faire le Hajj. Cette année 2017, j’ai accompagné 60 personnes du Canada pour le pèlerinage. Certains parmi eux sont venus s’inscrire le premier jour avec seulement 1000 $, pourtant ils ont pu effectuer le pèlerinage. Pourquoi? Simplement, parce qu’ils avaient planifié leur voyage. Nous ne devons pas avoir peur de la somme. Il faut juste mettre le Hajj en priorité comme bon nombre de nos dépenses quotidiennes », conseil Dr Kassoum Samaké, Imam d’une mosquée à Longueuil.
Prenant la parole, Diakité Adam a exhorté les Musulmans à « ne pas attendre de finir la belle vie ou la fin de leurs jours » avant de songer faire le Hajj. Au dire de ce chef d’entreprise, également enseignant d’école islamique, « beaucoup parmi nous ont de l’argent, ont les moyens d’y aller; mais beaucoup parmi nous n’ont pas la volonté d’accomplir le Hadj ».
Une raison de plus pour Oustaz Adam (Ivoirien) de mettre en garde. « Beaucoup vont mourir avec leur argent, laisser leur fortune derrière eux. Ni leur femme, ni leurs enfants, ni personne n’aura accès. Qui va en bénéficier ? c’est la poussière », martèle l’homme de Dieu, avant de poursuivre : « On peut accomplir 5 fois le Hajj sans qu’il ne soit agréé par Dieu. Certains prient, mais Dieu n’accepte pas leur prière ».
À l’en croire, de retour de la Mecque, « il faut qu’on sente un changement sur le comportement du pèlerin, dans son travail, dans sa manière de parler, dans sa famille, dans ses prières etc. ». « Celui qui va à la Mecque pour revenir faire du m’as-tu-vu, prévient Diakité Adam, son Hajj ne sera pas agréé par Dieu». Tout comme « on ne revient pas du Hajj pour mener une vie renfermée sur soi, une vie d’égoïste, une vie d’hypocrisie ».
« On peut éffectuer le Hajj 5 fois, échouer 5 fois » !

Abondant dans le même sens, l’hôte du jour s’est dit « heureux et fier » d’être passé sur ‘’les traces du prophète Mahomet (s.a.w)’’ et d’avoir pu accomplir tous les rites du hajj… de Djeddah à Arafat en passant par Mina, Mouzdalifa et Jamarat. Au Canada depuis quelques années, ce banquier originaire de la Côte d’ivoire exerçait auparavant en Tunisie. Alors qu’il a longtemps caressé l’ambition de se rendre ‘’un jour’’ à la Mecque, plus de 10 ans après son arrivée au Québec, Boubacar Doukouré réalise enfin ce rêve.
« Mon expérience a commencé à l’aéroport Trudeau de Montréal. (…) Nous avons fait 11 heures de vol, de Montréal à Jordanie. Après une escale de 1h 30, on a pris le vol pour Médine. À Médine, la chaleur était extraordinaire : il faisait environ 50 degrés. De toute ma vie je n’ai jamais vécu une telle chaleur. C’était la première fois. Mais une fois à l’hôtel, on était bien logé dans des chambres ou il faisait 16 degrés. Après, j’ai passé six nuits dans la mosquée du prophète (s.a.w) à Rawda. C’est un paradis sur terre (…) », raconte en substance M. Doukouré désormais Hajj Doukouré, qui dit avoir prié pour toute sa famille, la communauté musulmane et pour la paix dans le monde.
Pour ce nouveau pèlerin, toutes ces épreuves – pénibles soient-elles – du Hajj permettent au Musulman d’être sage et de raffermir sa foi, tout en restant sur le « droit chemin ». Hajj Doukouré a encouragé les jeunes et les couples de la communauté a planifié leur voyage en terre sainte afin de « goûter » à cette « belle aventure d’adoration », qui reste selon lui une « expérience inédite ».
Baba-Idriss Fofana, De retour de Repentigny
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