Côte d’Ivoire, le web au secours de l’agriculture
Au risque de continuer de dégringoler, la Côte d’Ivoire a besoin de moderniser son agriculture pour plus de compétitivité sur le marché international. D’où les initiatives du Centre technique de coopération agricole (CTA), visant à la formation des acteurs du monde agricole aux outils du web 2.0
Cette place qu’occupe actuellement la Côte d’Ivoire en matière de caféiculture donne froid dans le dos. Alors qu’elle était à la troisième place mondiale et le premier pays producteur africain de café dans les années 70, avec une production annuelle de 400.000 Tonnes. « Le pays se trouve, aujourd’hui, à la treizième place mondiale et est 3ème africain, avec une production annuelle de 100.000 T, derrière l’Ethiopie et l’Ouganda », révèle le directeur général adjoint du Conseil du café-cacao, chargé de la production, Edouard Kouassi N’Guessan.
Nul doute que pendant les moments de crises ivoiriennes, ces pays qui devancent la Côte d’Ivoire, ont travaillé à l’amélioration de leurs infrastructures agricoles. Et, au moment où on parle de ‘’pays émergent à l’horizon 2020’’, la seule solution serait la modernisation des pratiques agricoles en Côte d’Ivoire, à travers les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

A l’instar des pays comme le Kenya, « on devrait pouvoir monétiser l’agriculture ivoirienne par le web », pense Nazaire Coulibaly, Ingénieur Sénior Développeur-web.
Ainsi, le Centre national de recherche agronomique (CNRA), qui regorge de Chercheurs et d’Experts agricoles, apparaît comme incontournable.
C’est à juste titre que cette structure étatique a noué un partenariat avec le Centre technique de coopération agricole (CTA), une institution internationale conjointe des Etats du Groupe ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et de l’Union européenne (UE).

L’accès à l’information
Le CTA a donc décidé de former, entre 2013 et 2014, 75 acteurs du monde agricole ivoirien autour de son concept « Opportunité d’apprentissage du web 2.0 et des médias sociaux ».
Cette institution qui a pour mandat de faciliter l’accès et la diffusion de l’information dans les domaines de l’agriculture et du développement rural a donc regroupé du 09 au 13 décembre 2013, 25 personnes à la direction régionale du CNRA de Bouaké.
Composés d’étudiants, de blogueurs, de journalistes, de chercheurs, de techniciens agricoles, d’experts et communicateurs pour le développement agricole, ils ont été initiés aux outils du web 2.0. C’est-à-dire à l’usage d’applications internet telles Facebook, Twitter, Skype, Linked-in, Google-doc, Blogs etc., devant permettre à mieux communiquer sur les activités agricoles et à contribuer à une meilleure vente de la production.
Selon Guillaume Sigui, Formateur web 2.0, « le CTA en lui-même avec ses partenaires locaux (CNRA) ont identifié le besoin de renforcer les capacités des acteurs du monde agricole sur tout ce qui concerne les TIC. C’est de permettre à ces personnes qui supportent l’économie du pays de s’imprégner de tous les outils pour pouvoir faire connaître leurs activités au quotidien, le résultat de leur recherche ».

Mais, quel devrait être le profil des participants ? Bouan Boniface, organisateur de cette formation en Côte d’Ivoire, lève le voile.
« J’ai participé au dépouillement des dossiers de candidatures. Nous avons choisi vraiment des profils qui collent à nos objectifs, qui sont de diffuser l’information agricole auprès des populations. Et, le niveau des participants est assez élevé. Il y a des doctorants, des ingénieurs, des chefs de service, des chefs d’antenne, des chefs de station et responsables d’ONG qui appuient le développement agricole ». Au nombre des récipiendaires, Doumbia Sékou n’en dit pas plus.
Impact d’une bonne formation

Le chef de département Appui au développement études d’impact au CNRA à Abidjan, croit tirer satisfaction de la formation web 2.0 reçue à Bouaké. « La formation que nous avons reçue est extrêmement importante, parce qu’en agriculture, on a beaucoup de connaissances. Mais, il faut les partager. Et à travers les notions que nous avons acquises, nous allons pouvoir les partager avec ceux pour lesquels on travaille. C’est-à-dire le monde paysan », indique-t-il. A l’en croire, le développement agricole est possible avec internet même si le véritable problème demeure au niveau des paysans analphabètes qui, majoritairement, n’ont aucune notion informatique.

« C’est vrai que cela va poser des problèmes au plan individuel, parce que nos paysans sont analphabètes et du fait aussi qu’ils n’ont pas accès à internet. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que les paysans sont de plus en plus organisés en coopératives. Ce que nous recevons comme formation s’adressera à la direction des coopératives. Qui, à leur tour, vont répercuter l’enseignement reçu à la base. De ce point de vue, c’est vraiment un facteur de progrès », rassure Doumbia Sékou.
Dans la même veine, le Responsable communication du Centre international de recherches en Agro-foresterie (ICRAF), entend mettre à profit la formation sur ‘’les réseaux sociaux’’ pour améliorer son rendement. « À travers notre structure, nous sommes beaucoup en contact avec les producteurs. Mais, il y a tout un réseautage qu’il faut pour améliorer le travail. Et donc, je compte mettre à profit cette formation pour optimiser mon travail de communicateur », révèle Claude Adjehi.
Retour sur le monde rural

Par cette formation, ce communicateur convainc d’ailleurs qu’un paysan n’a pas forcément besoin d’être un connaisseur de l’outil informatique avant de pouvoir l’utiliser. « A travers cette formation, j’ai appris que lorsqu’il s’agit d’informatique, ce n’est pas seulement d’avoir une maîtrise de l’ordinateur. Il y a d’autres éléments qui rentrent en ligne de compte. Le web 2.0, c’est aussi la téléphonie qui est beaucoup utilisée en milieu rural. Il y a donc des choses en matière de web 2.0 que le monde rural peut bien apprendre ».

Quant à Gonh Pierre, enquêteur à l’Office d’aide à la commercialisation des produits vivriers (OCPV), il soutient que « les outils du web 2.0 permettront d’interagir à distance avec des commerçants afin de pouvoir mieux communiquer sur les prix et d’orienter les consommateurs ».
De son côté, Yvette Bléou, de la Direction régionale de l’Agriculture à Bouaké, n’accordait pas trop d’importance aux outils du Web 2.0, principalement des réseaux sociaux. « Je ne voyais pas trop l’intérêt d’utiliser ces outils qu’on apprend aujourd’hui. Mais grâce à cette formation, je me suis rendu compte que c’est une nécessité dans notre travail au quotidien », se réjouit-elle.

Selon cette responsable de service, les outils du web 2.0 vont faciliter la tâche aux paysans et aux acteurs du monde agricole. « Aujourd’hui, ces outils informatiques sont incontournables. Dans tout ce que nous faisons, il y a du web. On a vu un exemple dans une vidéo qui nous a été donné de voir lors de cette formation. Des groupements de femmes, dans la sous-région, arrivent à vendre leur production, à contacter des partenaires étrangers grâce aux outils du web 2.0. C’est dire qu’au niveau de l’agriculture, l’internet est là pour faciliter beaucoup de tâches », appuie Yvette Bléou. Comme quoi, le développement de l’agriculture par le web ne serait pas une vue de l’esprit, si les acteurs mettent réellement en application la formation en pratique.
Analphabètes et outils du web 2.0 !
Guillaume Sigui est sans appel. Le Directeur technique de Sofnet pense que l’heure n’est plus à travailler dans son coin, reclus du monde. Selon l’informaticien, la Côte d’Ivoire a besoin de stratégie web pour repositionner la caféiculture.

« Il faut le dire tout net, si nous ne nous alignons pas maintenant avec les Nouvelles technologies de l’information et de la communication, on va disparaître. Pour ne pas que nos acquis soient démodés, nous n’avons vraiment pas le choix que de nous mettre au diapason de l’évolution technologique », fait savoir Guillaume Sigui.
Conscient de la méconnaissance informatique par les paysans, ce ‘’Hacher-éthique’’ estime que la Côte d’Ivoire doit surpasser ces obstacles. « C’est vrai que nous avons des soucis avec le monde rural qui ne sait rien de l’outil informatique ou d’internet. Mais, souligne-t-il, nous devons surpasser ces difficultés pour comprendre que sans le web, le pays ne pourra aller de l’avant avec son agriculture ».
Ainsi, pour l’informaticien, le savoir ‘’lire et écrire’’ ne doit pas constituer un handicap à l’apprentissage du web 2.0. « Il y a des outils du web qui sont essentiellement vocaux (voix et vidéo) qui ne demandent pas forcément de savoir lire et écrire avant de pouvoir les utiliser. Avec ces différents moyens, les acteurs du monde agricole peuvent passer leurs informations, même dans leur langue locale. Nous avons par exemple des interviews faites en portugais sur l’agriculture brésilienne, et qui sont traduites en fonction des pays. Donc le savoir lire et écrire ne constitue vraiment pas un blocage à l’apprentissage du web 2.0 ».
FBI (envoyé spécial à Bouaké)
Commentaires