Europe – Afrique : la lutte finale, ce ne serait pas avec des fusils

Article : Europe – Afrique : la lutte finale, ce ne serait pas avec des fusils
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15 avril 2018

Europe – Afrique : la lutte finale, ce ne serait pas avec des fusils

J’ai pris la peine de retranscrire l’intégralité d’une petite vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’une partie d’un discours [encore d’actualité] prononcé par Félix Houphouët-Boigny, il y a plus de 30 ans, en présence de plusieurs chefs d’États africains et celui de la France. Le premier président de la République de Côte d’Ivoire (1960-1993), faisait valoir l’avantage de l’Afrique sur les autres continents surtout sur l’Europe qui est en panne de matières premières. Il a reconnu que plusieurs décennies après la colonisation, l’Afrique continue de « tendre la main » à l’ancien colonisateur pour « l’essentiel de son existence ». Tout en appelant les Africains à « s’évader de cette situation », Houphouët-Boigny explique pourquoi il doit y avoir une « solidarité » entre l’Europe et l’Afrique. Non sans appeler à un « donnant-donnant ». Comme pour paraphraser un ancien président africain, Omar Bongo : « L’Afrique sans l’Europe, c’est une voiture sans chauffeur. L’Europe sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant ».

Discours…

<< (…) La lutte finale, ce ne serait pas avec des fusils. Ce serait sur le plan économique. Et l’Europe n’a pas de matière première. Les Américains en ont mais pas en quantité suffisante. L’Asie, même si elle avait des matières premières, la population est telle qu’elle ne pourrait pas couvrir ses propres besoins. L’Amérique latine, avec la situation qui prévaut depuis des siècles, victime aussi de l’exploitation du même groupe économique financier et puissant, ne peut venir au secours de l’Europe sur le plan des matières premières. Il n’y a que nous! l’Afrique est de loin, le grand propriétaire de matière première et nous le resterons. L’Afrique n’est pas suffisamment prospecté, mais on peut admettre sans moindre démenti que nous sommes le premier pour le fer, pour la bauxite.

Si l’Europe venait à être privé de matière première

Quand on pense qu’en Guinée, il y a des siècles de réserve de bauxite, le manganèse, l’uranium. L’Europe a besoin de ces matières premières pour donner du travail à sa population, à ses ouvriers. Imaginez-vous la pauvreté se généralisant, la révolte des jeunes exploités par d’autres (…) permettez-moi de ne pas aller loin dans ma pensée. Mais si l’Europe venait à être privé de matière première, c’est le chômage généralisé et qui conduira où vous le savez. On n’aura pas besoin de tirer un coup de fusil.

https://www.facebook.com/visavisblog/videos/2011406699123934/

Voilà ce que nous nous évertuons à faire comprendre à nos frères. Je répète : nos intérêts sont solidaires. Il faut qu’ils nous aident à nous développer. Vous avez parlé de l’autosuffisance alimentaire. Nous en sommes conscients. Vous croyez que c’est de gaieté de cœur que nos frères tendent la main chaque année (..)? Ils sont très dignes, mais ils n’ont pas le choix. Je l’ai dit, en Côte d’Ivoire, c’est la pensée de jour qu’on récite chez moi : l’homme qui a faim n’est pas libre. Et c’est vrai !

Chez nous on dit qu’il faut que vous nourricier votre enfant jusqu’à ce qu’il ait poussé des dents afin qu’il puisse vous nourrir quand vous auriez perdu les vôtres

Nous avons quitté l’indépendance coloniale, mais après 20 ans nous pouvons faire le point. Pour l’essentiel de notre existence, pour la nourriture, pour nos soins médicaux, pour notre éducation, [bref, pour tout ce qui permet l’épanouissement de l’être humain] nous sommes obligés, il faut le reconnaître, de nous adresser à nos anciens colonisateurs. (..) Nous devons nous évader de cette situation-là. Et nous demandons qu’on nous aide. Nous avons des hommes qui veulent travailler. Il est nécessaire pour eux, pour leur existence, pour leur vie et même peut-être pour leur survie de travailler. Mais il faut qu’on nous aide.

Nous ne demandons pas l’aumône. Nous ne sommes pas une sorte de mer morte, qui reçoit l’eau du Jourdain sans rien laisser passer. Voyez-vous, nous parlons avec beaucoup d’image. Je voudrais vous dire ceci pour conclure : chez nous on dit qu’il faut que vous nourricier votre enfant jusqu’à ce qu’il ait poussé des dents avant qu’il puisse vous nourrir quand vous auriez perdu les vôtres >>.

Félix Houphouët-Boigny

1er Président de Côte d’Ivoire
27 novembre 1960 – 7 décembre 1993

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