Georges OUEGNIN, l’ombre d’Houphouët [Portrait]
Il a pour lui une loyauté invariable qu’il a su mettre au service de quatre chefs d’Etat ivoiriens. Georges Ouégnin, 80 ans, a marqué l’histoire de la Côte d’Ivoire, de long en large. Portrait d’un maître des services protocolaires, indélébile. Portrait…
Si certaines langues prêtaient à Houphouët-Boigny une deuxième ombre, c’est bien son directeur du protocole qui en portait le visage. Homme discret, affable, au regard alerte, l’ambassadeur Georges Ouégnin était le complice du « vieux », presque son fils. Il était là, égal à lui-même, haute silhouette au crâne chauve, impérieux et impérial. On nous disait qu’il avait l’œil du sorcier qui voyait tout.
Son histoire est assez particulière. Présenté souvent comme Syro-libanais, il est né, le 13 juin 1934, en Turquie, à Alexandrette d’une mère française d’origine arménienne nommée la ménagère Marie Avédikan et d’un père ivoirien d’origine, François Ouégnin, greffier au palais de justice. Alors qu’il ne connaissait pas son géniteur, c’est à l’âge de 19 ans, en 1955, qu’il retrouve son père en Côte-d’Ivoire. Malheureusement, quelque temps après, sa mère meurt. C’est-à-dire en 1956.
Après des études, très vite, Georges Ouégnin devient chef du service contentieux et délégué du personnel chez Renault, à Abidjan. A 26 ans, il était admiré par Houphouët-Boigny, qui l’adopte et lui propose un poste d’ambassadeur au Nigeria, au Ghana ou au Liberia. Cela, après l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960. Mais contre toute attente, il décline l’offre et choisi de rester à Abidjan.
Ainsi, le « vieux » décide de le nommer comme chef du protocole à la présidence. Ouégnin fils venait d’être introduit au cœur du pouvoir ivoirien. Il accompagnait le père de l’indépendance ivoirienne sous tous les cieux. Jusqu’à ce que son « boss » refuse qu’il soit le chef du protocole de l’ONU en 1970. Et 10 ans plus tard, il mettra au monde Yasmina (député à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire depuis le 11 décembre 2011, NDLR). Celle que Houphouët-Boigny a vite fait de s’attribuer le parrainage.
Petit à petit, le père de Yasmina se révèle incontournable auprès du président fondateur de la Côte d’Ivoire. Ouégnin ne craignait même pas de tutoyer les chefs d’Etats. Les ministres, on n’en parle pas. Chacun essayait d’être droit à sa face, parce que c’était l’ombre du gourou. Il n’était plus n’importe qui dans le système. Le diplomate avait tous les vrais ‘’contacts du monde’’.
A la mort de son père spirituel, Félix Houphouët-Boigny, le 7 décembre 1993, l’élégant sexagénaire s’est mis au service du successeur, Henri Konan Bédié. Pendant les évènements qui ont conduit au renversement de ce dernier par le premier coup d’Etat en décembre 1999, la loyauté de ce serviteur de l’Etat n’a pas du tout été ébranlée. Bien au contraire, l’homme a, dans l’ombre, pesé de tout son poids dans les négociations visant à l’exfiltration du président déchu au Togo. Puisqu’il n’hésitera pas a accompagner Henri Konan Bédié au pied de l’hélicoptère avant de rebrousser chemin.
Pourquoi ce « fin connaisseur de dossier sensibles » a-t-il refusé d’embarquer? « Je n’avais rien à me reprocher, car je suis avant tout un serviteur de l’Etat », dira-t-il à l’époque. Une réponse qui sonne comme un sacerdoce. Une fois au pouvoir, le chef de la junte, Robert Guéi, recourt aussitôt au service de Georges Ouégnin. Comme pour jeter sur son régime une lueur protocolaire digne.
Suivant tous les remous politiques, c’est encore lui qui accompagne durant quelque mois, d’octobre 2000 au 1er janvier 2001, les premiers pas présidentiels de Laurent Gbagbo (arrivée au pouvoir de manière calamiteuse, selon ses propres termes), avant de se retirer de la scène politique. De lui, le ministre de la Fonction publique d’alors, Hubert Oulaye, dira : « C’est un homme dont la vie se confond avec l’histoire de notre pays. L’ambassadeur Georges Ouégnin est assurément l’homme des transitions. Celui qui a assuré le lien dans la chaîne des générations qui se sont succédé dans la gestion de notre pays ».
Aujourd’hui, loin de la vie politique, il savoure une reconversion réussie mais reste attentif aux miasmes politico-militaires d’un pays qu’il a contribué à faire rayonner sur la scène internationale. Même si, à travers son image, il a contribué à fait élire sa fille Yasmina comme député. N’empêche, le serviteur de l’Etat qu’il a été, a préféré prendre sa retraite. Dans l’anonymat, il a tout de même œuvré pour aider, dans leur gestion, l’équipe protocolaire de l’actuel président Alassane Ouattara, à son arrivée au pouvoir en 2011.
FBI
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