Dozos ivoiriens, miliciens ou chasseurs traditionnels ?

Article : Dozos ivoiriens, miliciens ou chasseurs traditionnels ?
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17 janvier 2014

Dozos ivoiriens, miliciens ou chasseurs traditionnels ?

Depuis la fin de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, les dozos sont accusés d’exactions sur les populations dans plusieurs localités du pays. Le président de la République, Alassane Ouattara, lui-même ne cache pas sa préoccupation.

Anges ou démons ? Évalués à 50 000 hommes, les dozos de Côte d’Ivoire sont dans l’œil du cyclone. Depuis la fin de la crise postélectorale, ils sont accusés sans cesse d’exactions sur les populations et d’exercer des activités paramilitaires dans plusieurs localités du pays. Allant jusqu’à ériger des barrages routiers, organiser des patrouilles et procéder à l’arrestation de civils. Pourtant, une circulaire datée de juin 2013 mettant les dozos en garde contre l’instauration de barrages routiers et une résolution du cabinet, datée du mois de juillet de la même année, leur interdisait le port d’armes.

Issus d’une confrérie millénaire de chasseurs traditionnels, les dozos sont présents dans plusieurs pays d’Afrique, notamment en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, en Guinée, au Mali et au Sierra Leone. Alors qu’ils avaient combattu aux côtés des Forces républicaines de Côte d’Ivoire(FRCI), les dozos ont constitué une force déterminante dans la chute de l’ex-président Gbagbo, au moment où il tentait de s’accrocher au pouvoir. Le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Hamed Bakayoko l’a reconnu.

Partisans de la chute de Gbagbo

Lors d’une rencontre avec les dozos en novembre 2012, le premier flic ivoirien a publiquement remercié la confrérie pour son rôle dans le passé trouble de la Côte d’Ivoire. « Notre pays a connu une crise grave. Pendant le conflit, les dozos ont contribué à libérer le pays. Nous n’avons pas honte de le reconnaître, car c’est la vérité. Le gouvernement n’a pas honte de le reconnaître et dit ‘’Merci’’ ».

Si les dozos sont toujours mal vus, Pierre Kouamé Adjoumani, président de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (Lidho croit savoir pourquoi.  « Ils sont connus pour avoir soutenu les ‘’forces’’ pro-Ouattara lors du conflit électoral. Ils sont toujours présents dans les villes, et les autorités peinent à leur faire reprendre leurs activités traditionnelles. Ce comportement décrié aujourd’hui chez les chasseurs traditionnels serait dû au fait qu’ils n’ont pas été récompensés après leur soutien au président démocratiquement élu.

Des dozos mobilisés pour faire chuter Laurent Gbagbo, en avril 2011. Ph: DR
Des dozos mobilisés pour faire chuter Laurent Gbagbo, en avril 2011. Ph: DR

Selon un rapport de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), datant du 6 décembre 2013, « entre mars 2009 et mai 2013, les dozos ont tué au moins 228 personnes et en ont blessé 164. Et ils auraient arrêté ou détenu illégalement 162 victimes». L’Onuci a aussi recensé 274 cas de pillage. Prenant le contre-pied de ces allégations, la Fédération nationale des confréries dozos a démenti les accusations d’exactions commises contre des civils, et infirmé le rapport de l’Onuci.

« Aucun membre ne peut avoir commis de tels crimes, compte tenu du code moral strict de la confrérie des dozos. Nous sommes disposés à aider le gouvernement à faire du processus de réconciliation nationale un succès », a rétorqué Sory Dosso, le 21 décembre dernier, lors d’une conférence de presse. Pour Eugène Nindorera, responsable de la division des droits de l’homme de l’Onuci, « l’utilisation que certains hommes politiques ont fait des dozos  les a projetés sur la scène politique du pays. Mais, maintenant que nous vivons dans un état légitime, plus de deux ans après la crise postélectorale, nous pensons qu’il est grand temps qu’ils retournent à leurs activités traditionnelles ».

Le ministre de la Sécurité ivoirienne, Hamed Bakayoko, face aux dozos en 2012. Ph: DR
Le ministre de la Sécurité ivoirienne, Hamed Bakayoko, face aux dozos en 2012. Ph: DR

L’ONU réclame justice !

Tout en admettant que la situation des dozos demeure inquiétante, le responsable onusien a fait savoir que « tout le monde ne s’en plaint pas ». « Mais une part importante de la population est victime des dozos. Nous avons constaté des cas de violence physique, de racket et d’assassinat. Tout doit être fait pour y mettre fin », a recommandé Eugène Nindorera. Il a également souhaité que les dozos soient désarmés pour ne pas créer d’autres soucis lors de la présidentielle de 2015, qui se profile à l’horizon.

Les Nations unies qui sont engagées dans la lutte contre l’impunité, ont laissé entendre que les dozos impliqués dans des violations de droits devaient être tenus pour responsables de leurs actes. « Les autorités ont le devoir de conduire des investigations sérieuses sur les violations des droits humains commises par les dozos, de traduire leurs auteurs en justice et d’accorder aux victimes les réparations appropriées », a indiqué Navi Pillay, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.

Abordant dans le même sens, le chef de la Fédération des dozos de Côte d’Ivoire milite pour des enquêtes sur les cas de violations qui tendent à jeter l’opprobre sur leur corporation. « C’est pourquoi nous encourageons les autorités à mener l’enquête, afin que la vérité soit connue de tous. L’issue de l’enquête innocentera les dozos une bonne fois pour toutes. Nous sommes prêts à contribuer au développement du pays, et le gouvernement a déjà reconnu notre mérite », a souhaité Sory Dosso. Et pourtant !

Ouattara hausse le ton et interpelle

L’affaire commence à prendre des proportions inquiétantes. A telle enseigne que le président Ouattara a décidé de prendre des mesures. A l’occasion de la traditionnelle présentation de vœux au chef de l’Etat, il a interpellé deux de ses collaborateurs. Afin que les chasseurs traditionnels arrêtent de ‘’mener des activités paramilitaires’’, Ouattara a demandé que le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la sécurité Hamed Bakayoko et le ministre chargé de la Défense prennent le problème à bras le corps au cours de la cérémonie de présentation des vœux à l’armée ivoirienne.

C’est dire que dans les jours à venir, une solution devra être trouvée à cette situation. Cela doit donc permettre aux chasseurs traditionnels « à se consacrer à leurs activités originelles en évitant de vouloir accompagner les forces régulières ». Car, aujourd’hui, disons-le tout net, ils n’honorent pas la Côte d’Ivoire à travers certains agissements.

FBIYAY

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Commentaires

cireass
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Si avant les dozos faisaient essentiellement de la chasse, de nos jours l'on constate qu'ils ressemblent plus à des fauteurs de troubles (des miliciens à la solde de certains hommes politiques) dans leurs pays respectifs. Je ne vois pas ce qui peut justifier la présence d'une entité se disant chasseurs traditionnels dans une ville comme Abidjan ou Conakry, à moins que ses habitants soient de gibiers. Je reconnais au président Ouattara la volonté de ramener définitivement la paix en Côte d'Ivoire en avouant que ces dozos mènent des activités paramilitaires, qui peuvent conduire à des exactions sur les civils. En Guinée aussi ces gens sont accusés d'exactions. Lors de manifestations de l'opposition, ces gens se joignent aux forces de l'ordre pour réprimer les mouvements de rue; mais jamais les autorités en place n'ont lever le petit doigt pour condamner leurs agissements.

Fofana Baba Idriss
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On espère que nos braves chasseurs vont retourner en brousse, parce qu'en ville, il n'y a pas de gibier !!!

Bouba
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C'est juste. Il faudrait effectivement laissé l'armée aux militaires et les chasseurs traditionnels doivent retourner à leurs activités. La question que je me pose est de savoir si les "génies" seront longtemps d'accord avec les pratiques actuelles des dozos dans votre pays. Pour ceux qui comprennent la tradition, à un certain moment, lorsque l'on sort de son rôle habituel, l'on risque d'en faire les frais.
Le problème aussi, c'est qu'avec l'armée qui n'est pas encore totalement souveraine, il est difficile de contrôler ses dozos. Peut-être que certains voudront intégrer l'armée?

Fofana Baba Idriss
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Comme je disais tantôt, pour rigoler, peut-être que les braconniers ont finalement eu raison des dozos. Ces hommes ''garnis de fétiches'' ont-ils peur d'affronter les animaux sauvages? Est-ce parce que l'interdiction de tuer les animaux, dans la forêt, nos chasseurs traditionnels ont décidé de rester en ville? Dans le cas contraire, je dirais que leur retour en brousse, l'intégration ne sera certainement pas une mince affaire. Sans doute qu'il va falloir les réinsérer, par forcement dans l'armée. Oui, pour ceux qui pourront remplir les conditions. Mais, mieux, à travers des activités génératrices de revenu.