Mort de Mandjara : quel mépris du gouvernement ivoirien…
Jusque-là, le gouvernement n’avait pas réagi depuis la tentative de suicide de Mandjara Ouattara, il y a une semaine. Décédée le mardi 27 mai à deux heures du matin, les autorités ivoiriennes ont décidé d’accompagner sa famille pour des « funérailles dignes ». J’ai été surpris t’entendre cette nouvelle alors que je venais d’assister à la conférence du porte-parole du gouvernement à la suite du Conseil des ministres qui s’est tenu le jour du décès de la jeune dame. Je vous livre les détails de la rencontre au Palais d’Abidjan.
Si ce n’est pas le médecin après la mort. Pour moi, le cas de Mandjara Ouattara y ressemble fort. Elle qui avait tenté de s’immoler par le feu, un mercredi 21 mai 2014, devant le Palais présidentiel au Plateau, au moment même où se tenait un Conseil des ministres que présidait le chef de l’Etat, Alassane Ouattara.
Une semaine après, la jeune dame âgée de 33 ans est finalement décédée, ce mardi 27 mai, des suites de ses brûlures de 3e degré, dont elle souffrait au centre hospitalier et universitaire de Cocody (CHU). C’est avec ‘’amertume’’ que le porte-parole du gouvernement, Koné Bruno Nabagné, a officiellement confirmé la ‘’mauvaise nouvelle’’ aux journalistes. Et de s’empresser de nous annoncer la commisération des autorités ivoiriennes :
« Nous avons effectivement eu cette mauvaise nouvelle ce matin (mardi 27 mai 2014, ndlr), le décès de cette dame. Le gouvernement, évidemment, s’incline devant la mémoire de cette personne. Le gouvernement accompagnera de la meilleure façon la famille. Le gouvernement adresse ses condoléances à la famille et je peux dire que la famille est en contact avec certaines personnes désignées par le gouvernement pour suivre la suite des opérations. Nous n’avons pas de commentaires à faire. Nous pensons simplement qu’il faut respecter la mémoire de cette jeune dame ».
Et si tu nous disais la vérité ?
Et pourtant, le porte-voix du gouvernement qui ne voulait pas s’attarder sur l’affaire Mandjara Ouattara, a dû mettre les pieds dans les plats. Puisqu’il lui a été demandé de donner les raisons qui ont motivé le gouvernement à ne pas communiquer sur un fait aussi grave (la tentative de suicide) qui s’est déroulé au nez et à la barbe de la présidence de la République de Côte d’Ivoire.
En réponse à cette question, Koné Bruno a tourné en rond. Il a plutôt souligné que le gouvernement n’a pas voulu ‘’politiser’’ l’affaire comme certains auraient bien souhaité. Mais de quelle communication politique parle l’auteur ?
« Quand un acte aussi grave arrive, il faut respecter le choix de la personne. Certains peuvent faire de la communication politique autour de ça. Nous n’avons pas voulu en faire parce que ce n’était pas, de notre point de vue, décent de le faire. Vous savez, nous travaillons avec le cœur ouvert, nous n’avons pas de reproches à nous faire par rapport à la conduite actuelle du pays. Nous savons bien d’où nous venons, c’est vraiment important », a martelé le porte-parole du gouvernement. Quel mépris! Mais l’homme ne s’arrêtera pas en si bon chemin.
Koné Bruno Nabagné n’a pas été tendre avec ceux qui pensent que : « Les populations vivent dans la souffrance parce que l’argent ne circule pas ». A l’en croire : « Aucun Ivoirien, aujourd’hui, ne peut dire qu’il a été appauvri par le président Alassane Ouattara, sauf ceux qui avaient des gains acquis de façon anormale ». Selon le porte-parole du gouvernement : « Bien au contraire, la politique économique qui est menée fait en sorte que tous les jours, quelque chose s’ajoute à la croissance nationale, à la richesse individuelle des uns et des autres ».
Faut-il croire à cela ? Pour l’émissaire du gouvernement, il y a toujours eu des drames personnels dans le monde. « Il y a dix siècles, il y avait des drames personnels. Dans dix siècles, il y en aura. Mais il faut éviter de surfer politiquement autour de ça, quelle que soit la position qu’on peut avoir par rapport à ce drame. C’est notre position et nous restons fermes là-dessus », a tranché le conférencier du palais.
Ainsi, je puis me permettre de dire que le gouvernement refuse de nous dire la vérité dans cette affaire. Or, on voit bien que le pouvoir est dans de beaux draps. Sinon, pourquoi le gouvernement ivoirien avait tout mis en place pour un contrôle strict des personnes qui souhaitaient rendre visite à la jeune femme au service des grands brûlés de Cocody ? L’on-t-ils achevé au CHU pour ne pas que la vérité sorte ? L’adage nous dit que « la vérité est comme le soleil levant que l’on ne peut cacher avec la paume de la main ».
Les Ivoiriens savent…
Aujourd’hui, les gens savent que Mandjara Ouattara était très proche de certains responsables influents du Rassemblement des républicains (RDR), parti au pouvoir. On sait également que la jeune dame de 33 ans faisait partie du collectif des propriétaires des véhicules de location qui compte 80 membres. Eux qui réclament aux autorités actuelles le paiement de 5 milliards de francs Cfa. Des créances contractées de 2007 à 2010 sous Laurent Gbagbo que le pouvoir Ouattara devrait régler sur le principe de la continuité de l’Etat. Ce n’est pas tout. La défunte aurait aussi loué des véhicules au RDR pendant la campagne présidentielle de 2010. Malheureusement, ses factures de ces locations qui seraient d’un montant de 26 millions F Cfa restent impayées.
Pour en savoir davantage, je vous propose une déclaration d’une personne ressource. Il s’agit de Moussa Touré. Ex-journaliste, il est actuellement conseiller et directeur de la communication du président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire :
« J’ai entendu et lu beaucoup de mensonges et découvert avec beaucoup de dégoût une vaste entreprise de diabolisation de Ouattara Madjara alias Oxy Chocolat D Oxana, la jeune femme qui a tenté de s’immoler devant le Palais de la présidence, au Plateau. Mon amertume tient au fait que les injures les plus graves sont venues de son propre camp, notre propre camp. Je connais Madjara, une femme forte, courageuse, battante, engagée pour la cause d’Alassane Ouattara et du RDR. Elle s’est battue corps et âme pour que notre régime soit au pouvoir aujourd’hui. Je fais partie de ceux qui lui ont conseillé d’aller en exil au Burkina Faso, parce que son nom revenait dans tous les forums LMP (l’ex-majorité au pouvoir, ndlr) parmi ceux des gens à abattre. Son domicile avait même été indiqué sur Facebook. De Ouaga, elle est allée en France où elle a mené une guérilla médiatique contre le régime de Gbagbo. Les dettes que Madjara détenait sur l’Etat de Côte d’Ivoire n’ont jamais été honorées, alors qu’elle est de notre camp. Elle connaissait personnellement tous les actuels dirigeants, avait leurs numéros de téléphone direct, fréquentait leurs bureaux… Personne n’a levé le petit doigt pour aider cette jeune dame, une militante convaincue, jusqu’à ce qu’elle s’enfonce dans la misère, une misère noire. Vidée de son appartement de la Riviera Palmeraie, elle a erré de proche en proche, ses affaires dispersées dans tout Abidjan. Pourtant elle avait des dizaines et des dizaines de millions en créances. Elle ne mangeait pas à sa faim. Et ce qui l’a assassiné, c’est la maladie de sa mère. Victime d’un AVC, Madjara s’est rendue à son chevet à Korhogo, mais vu la gravité de son état, la pauvre dame a été évacuée sur l’Institut de Cardiologie d’Abidjan où elle a été admise aux soins intensifs. Madjara a frappé à toutes les portes pour avoir un peu d’argent sur ses créances pour soigner sa mère. Rien. Par désespoir, elle a décidé de se suicider. Si nous ne l’avons pas aidé, respectons au moins sa douleur. Ceci n’arrive pas qu’aux autres. Personne ne sait ce que le destin lui réserve ».
Je refuse de croire que l’argent qu’on devait payer à Mandjara Ouattara sera utilisé par le gouvernement ivoirien pour lui assurer des funérailles dignes. C’est aussi une tradition sous les tropiques. Comme dirait l’autre : « Quand tu meurs on t’accompagne avec l’argent dans ta tombe… ». C’est dommage !
FBI
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